Conte, Hante toi de Moi
Je reste amusé de voir à quel point les histoires d'amour se passent toujours bien dans les récits enfantins ou dans les contes. Jamais n'y sont abordés l'infidélité, la tromperie et l'esprit humain résolument volage par essence et par faiblesse. Oui, je sais. Il s'agit là d'un tableau bien peu reluisant que je me fais de l'humain en général, mais l'animal qu'est l'Homme ne peut déroger aux règles de mère Nature, même s'il est doué de cette capacité à aimer, s'attacher, choisir, respecter et user de son libre arbitre et de sa conscience.
Il arrive tout de même dans ces histoires, parfois, qu'on fasse intervenir un méchant, un vil personnage, qui avouons le reste bien sage au regard de ce qu'il est possible de faire subir dans ce bas monde. A croire que l'enfant ne peut pas comprendre que le prince charmant n'est pas toujours seul sur son grand cheval blanc. Alors, pour le préserver, on le protège de tout ça, on lui fait miroiter un monde idyllique, sans voies détournées, où brillent les étoiles sur un fond de coucher de soleil qu'une fois grand il cherchera à retrouver, à reproduire. Par normalité. Par bienséance.
Je ne suis pas en train de dire qu'un monde rempli de perversions et de dérives soit meilleur ! Je suggère juste que la vie d'adulte est bien plus complexe.
J'ai toujours abordé la tromperie comme en élément déterminant dans mon rapport aux autres, ne pouvant me résoudre à être autrement qu'extrême dans ma possession et ma jalousie. Je ne rentrerai pas dans la définition et les différences de ces termes. Chacun en aura sa propre explication en fonction de ses sensibilités, de son éducation, de ses expériences. Toujours est-il que je ne peux supporter de me savoir blessé lorsque je découvre que ma confiance a été trahie. C'est d'ailleurs étrange car - occultons l'idée que j'ai toujours été d'une perfection sans faille - je remarque qu'on se pardonne bien plus facilement ses propres écarts que ceux des gens qu'on aime. Et avant même de se les pardonner, on se les octroie sans un scrupule. L'idée n'est pas de tendre à cette sainteté suprême qui viserait à faire de sa vie un sacerdoce ou un apostolat ad vitam eternam. Cette pensée reste néanmoins belle, mais qui ? - quel couple, peut encore se vanter de pouvoir faire de sa vie et de la vie de l'autre une simple et même quête inaltérable ?
Non, je crois que pour prendre toute l'ampleur de la tromperie, il faut avoir soit même trompé sans penser au mal que cela pouvait faire, puis se retrouver dans la situation inverse et voir, s'apercevoir, et découvrir toute l'envergure du désastre que cela engendre en nous. Alors, seulement, on comprend. Admettre de se voir démoli, comprendre que son Amour n'a pas pu se suffire de nous, et que dans un autre, Il ou Elle a trouvé ce qu'elle n'avait pas avec nous (bien entendu, il existe un certain nombre de cas où la tromperie est vécue comme une perversion voulue du couple, et à cela je n'ai rien à opposer).
En réalité, je me demande si le plus dur finalement est de ne pas être confronté à ses propres erreurs, ses défaillances et ses moments d'égarement. Alors oui, d'être trompé nous renvoie à notre propre image boiteuse et caduque. S'entendre dire qu'on est un salop n'est jamais bien agréable, mais comprendre et intégrer qu'on en est un ! (...)
Mais bien sûr dans les contes, on est jamais le salop.
Moi qui suis donc un possessif et un jaloux, serait-ce donc que trop de belles histoires me furent contées ?
Peut-être.
A me fourvoyer dans des bras trop accueillants et des cuisses bien trop ouvertes, j'ai bien entendu causer du tord et fais du mal. Perdu également des Amours à qui j'aurais malgré tout pu donner ma vie. Et en juste équilibre, je crois pouvoir dire que les retours de bâton furent à la hauteur de mes épanchements orgasmiques. Il me semble aujourd'hui que ces expériences font partie intégrante d'une vie équilibrée. Il faut la connaître cette putain de rage qui vous empoigne le cœur et les tripes, qui vous arrache avec violence la moindre parcelle de vie pour la transformer en désert stérile, vidé de tout, sans goût, et pire, sans vie. Et comme de vouloir se mutiler un peu plus, on ne cherche pas à savoir pourquoi, mais comment, pour qui, depuis quand ? A croire qu'il faille se suicider jusqu'au bout pour pouvoir renaître et se retrouver. Sauf qu'il arrive qu'on se perde dans ces questionnements, et on ne se retrouve plus, on ne se relève pas, et on reste là, sur l'échafaud de son échec.
Au fond, on sait tous pourquoi il nous arrive d'être faibles ou de subir les faiblesses d'un autre. Oui, on le sait, c'est enfoui au creux de nous, mais on a simplement du mal à se l'avouer parce que cela dénote trop de cet idéalisme enfantin, de cette princesse et de ce prince charmant. Et puis ce n'est pas franchement plaisant de se dire qu'on porte ce mal en nous et qu'on est un salopard. Heureusement, l'Homme à cette capacité à se persuader de plein de choses. Qu'il peut être bon, qu'il peut changer, qu'il peut résister. Tel un enfant à l'écoute d'une histoire, il s'identifie, s'idéalise et se magnifie. Il devient son propre héros en somme. Parce que le héros n'a rien de moche et de malsain. C'est toujours plus valorisant d'être un héros plutôt qu'un salopard !
(...)
Merde, je ne sais plus ce que je voulais dire… Je me perds dans des considérations que je n'ai pas le temps d'approfondir ce soir, et la relecture me fait penser que je n'ai pas répondu un seul instant à ce désir d'écrire qui m'a parcouru l'échine toute cette journée.
J'avais ce putain de titre en mémoire qui m'a tenu en éveil depuis tôt ce matin. Il était là, ayant surgi de je ne sais où, à tambouriner dans ma tête, appelant des mots qui ne voulaient pas sortir et qui continuent à s'agiter en moi.
"Conte, hante-toi de Moi"
Je le trouve magnifiquement riche en significations ce titre.
Plus je le lis et le relis, plus j'en décortique les lettres et les syllabes ; par jouissance de tous les récits qui en naissent dans mon esprit.
C'est ma belle histoire à moi…