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L'Ero Gène
21 février 2011

L'école, Hier

Au détour d’un rangement plus appuyé qu’à l’habitude, je suis retombé sur d’anciennes lettres « d’amour » - comme on pouvait les nommer à l’époque – sagement enfouies avec d’autres vieux souvenirs de collège et de lycée.
Je n’en dévoilerai bien entendu pas les contenus. Ca n’aurait aucun intérêt, et serait assez impudique. Et puis les souvenirs doivent rester ce qu’ils sont et ne pas toujours remonter à la surface. Non pas que de vieilles blessures soient mal refermées, mais un souvenir a sa propre vie à lui qu’il se doit de vivre sans pour avoir le besoin de le faire revivre.
Naissant à fleur de peau, il finit lentement mais surement, non par mourir, mais par construire ce que vous êtes 20 ans plus tard. Il est en vous, caché quelque part, et lorsqu’il est amené à ressurgir pour quelque raison que ce soit, inutile de vouloir le ruminer, la jalouser ou encore l’ignorer. Mieux vaut l’accueillir avec tendresse.

Je me suis aperçu en parcourant rapidement ces quelques échanges épistolaires qu’à l’époque déjà, l’écrit était un mode de communication privilégié. Certains s’expriment avec des mots prononcés, d’autres avec des gestes ou des dessins, en formant des êtres de glaise ou de pierre, ou encore en chantant. Pour ma part, c’est en écrivant.

Au temps de ces lettres d’ailleurs, une jeune fille avait eu ces mots : « écrire est la meilleure manière de parler sans être interrompu ».

Je ne suis pas certain que ces mots soient d’elle mais le fait est qu’elle avait raison. Il me semble d’ailleurs que c’est suite à cet épisode que j’ai commencé à comprendre où pouvait conduire l’écriture, ce qu’elle pouvait permettre de révéler tout en s’affranchissant des autocensures de la parole.

Souvent je me suis demandé si l’écriture n’était plus « manipulatrice ». C’est vrai après tout. Ecrire, c’est s’autoriser la possibilité de recommencer sa phrase, de remplacer un mot par un autre après en avoir pesé toutes les subtilités, de retoucher, de déplacer une virgule ou que sais-je encore. L’oral est plus spontané et on ne peut pas tout à coup mettre un terme à son discours pour le formuler d’une manière différente sans que cela n’occasionne une réelle interrogation de la part de l’auditeur.

Mais après reconsidération, il est évident que l’oral peut-être tout autant « truqué ». Question de maîtrise, d’aptitudes de l’orateur, de savoir faire et d’expérience.

J’admire les gens qui peuvent soudainement prendre la parole et se lancer dans un monologue sans fin. Je ne les admire pas pour la teneur de leurs discours, mais simplement par leurs capacités à structurer et à retranscrire leurs pensées à la volée. J’en suis bien incapable alors que ce même phénomène m’est aisé et intuitif par écrit.

Pourquoi n’est-ce pas la même chose à l’oral ?...alors ça, c’est un mystère !

Donnez-moi quelques mots et je vous en tire 5 pages. L’enchaînement des phrases se fait de manière si automatique et naturelle que s’en est troublant.

Et sans être un écrivain doué de talent, je reconnais tout de même avoir la chance d’avoir une écriture assez immédiate et construite. Elle est directe et quasi sans retouches, même pour des récits parfois « complexes ». J’écris comme cela vient et ne relis qu’en de très rares occasions.

Cela me ramène d’ailleurs à mon sujet initial et mes années de lycée ; lorsque tout le monde ruminait le prochain devoir de philosophie ou le dernier commentaire de texte. Cela semblait une épreuve pour la plupart des mes camarades de classe. Ils se lançaient dans des constructions infinies, s’embrouillaient les neurones et bloquaient sur les fameux « plans », rédigeaient à tour de bras des brouillons, des ébauches, gribouillaient de rage les sujets et finissaient par se résoudre à prendre « une sale note ».

Et pour moi, tout me semblait simple. Je faisais ça à la dernière minute, parfois la nuit juste avant la remise des copies, entre deux pauses ou encore même, durant des cours que je trouvais nettement moins intéressants - ce qui expliquera certainement quelques notes catastrophiques dans les dites matières !!

Tout à la volée. Sans filet. Aussitôt écrit, aussitôt rendu.

Oh, je n’ai pas la prétention de me croire plus fort qu’un autre et certain de moi en toutes circonstances. J’imagine aisément que tout n’a pas du être à la hauteur de mes attentes ou de celles des professeurs, mais toujours est-il que j’ai rarement eu à me plaindre et rarement eu de remontrances.

Pour en revenir aux lettres retrouvées, sans aucun doute ont-elles étaient écrites pour dépasser une certaine timidité que j’ai toujours eu du mal à vaincre. Pas de risque de s’embrouiller, pas à affronter le regard direct et froid de la personne en face qui ne se sent pas concernée (malheureusement, c’est une possibilité !), pas besoin d’avoir à répondre ou de justifier le pourquoi du comment de manière immédiate – chose qui immanquablement se termine dans des « bah…heu…mouais…non mais laisse tomber » - qui au-delà de toute gêne rougeoyante démontre à l’être à qui vous aviez exprimé les plus belles choses au monde tout votre infini potentiel ridiculo-burlesque.

Autant avec les années et l’expérience cela devient gérable et parfois même un atout, autant à 15 ou 16 ans, c’est la « loose » totale. D’autant que vos petits camarades du même sexe ont tôt fait de vous faire remarquer combien vous aviez pu être ridicule. Non seulement ils vous le font savoir, mais en plus ne privent personne de cette affligeante déroute. Et encore plus, lorsqu’ils finissent par récupérer l’objet par lequel vous aviez déclaré toute votre fougueuse envie !

Mais avec le temps, les mots prennent une autre consistance. Plus troublante, plus intime. Les petites phrases innocentes – certainement qu’à l’époque déjà elles ne l’étaient pas tant que ça – se fardent d’idées plus équivoques, se parent de séduction comme le ferait la douce convoitée se vêtant de dentelles, et enivrent les sens.
Aux mots se mêlent les pensées, les images ; ou bien plus encore si on sait y lire entre les lignes, et qu’entre chaque mot, on sache associer tout ce qui ne se dit pas.

L’écolière d’antan revêt alors une image…beaucoup moins sage.

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Commentaires
M
Très bel article, écrit avec coeur et conviction.<br /> Je me suis retrouvée dans pas mal de choses, ce qui me touche particulièrement. <br /> <br /> Bravo Erogène, j'espère que, à défaut d'une muse, votre inspiration pour l'écriture vous portera vers d'autres envolées.
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V
en rapport avecvotre commentaire laissé sur mon blog, oui c'est vrai que c'est chiant quand on bloque et cela en devient meme flippant mais peut etre que apres qu'on on se décongestionne ça peut donner des trucs sympas ou meme plus...comme vos textes par exemple<br /> Amicalement<br /> Valérie
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